Agir sur l'anxiété et l'angoisse

Agir sur l’anxiété et l’angoisse : yoga et méditation ?

Des personnes disent “souffrir d’anxiété” ou bien un médecin a posé ce diagnostic. Mais qu’est-ce que l’anxiété exactement ? Pourquoi pose-t-elle problème et comment se soigne-t-elle aujourd’hui ?

Ressentir de l’anxiété : normal ou pas ?

L’anxiété est une émotion qui est rarement ressentie positivement car elle crée un sentiment d’inconfort intérieur. Tous les êtres humains la ressentent face à un danger identifié ou potentiel, ou face à un problème à venir : c’est un phénomène normal.

définition de l'anxiete

Mais comme toujours en matière de santé mentale, qu’est-ce qui est de l’ordre du normal et qu’est-ce qui ne l’est plus ?
C’est finalement la personne qui estime à un moment donné que son état d’inconfort dure depuis trop longtemps, qu’elle n’arrive pas à s’en débarrasser, ou qu’il se manifeste de façon excessive et que cela lui pose des problèmes : l’anxiété devient “pathologique” et change de nom pour être qualifiée de “trouble anxieux”. Les psychiatres parlent parfois de « peur sans objet« .

Anxiété et angoisse

Le milieu médical a besoin de repères pour poser un diagnostic : les symptômes sont les signes d’une pathologie sous-jacente. L’expérience des cabinets montre que l’identification d’une pathologie physiologique n’est pas toujours aisée. Celle d’une pathologie mentale est encore plus malaisée.

Dans les manuels, l’anxiété se caractérise par trois caractères principaux : pressentiment d’un danger vague et imminent, réactions physiques variées (sensation d’étouffement, palpitations, sueurs, sécheresse de la bouche, vertiges, tremblements, troubles du transit), impression pénible d’impuissance ou de faiblesse devant la menace (accéder à la source).

Il est intéressant de relever que, dans le milieu médical, le mot “anxiété” s’applique aux manifestations psychiques, quand le mot “angoisse” désigne généralement davantage les manifestations somatiques.

Résoudre rapidement l’anxiété

Le trouble est caractérisé lorsque la personne n’est plus capable de répondre à ses devoirs quotidiens : elle est dite “inhibée”. Or, les personnes qui n’agissent plus selon les attentes sociales risquent d’être assez rapidement exclues de la socialité.

Les psychotropes pour résoudre rapidement les problèmes d'anxiété

Les demandes concernant les désordres psychiques relèvent généralement d’une forme d’urgence : cela a assez duré et c’est une cessation rapide de la situation qui est attendue. Les médecins ayant aujourd’hui à leur disposition une pharmacopée réputée soigner (et non guérir) ce type de troubles, avec des effets secondaires limités par rapport aux molécules précédemment utilisées, ils répondaient jusqu’à présent encore massivement à la demande par la prescription de psychotropes. D’autant que si l’angoisse est un moteur de lutte, elle risque de se transformer en dépression qui, elle, est un abandon de la lutte. Mais les lignes de traitement bougent.

Thérapie, pas thérapie

Le yoga et la méditation se montrent efficaces en ce que, dans des cas comme celui de l’anxiété, il ne s’agit pas de traiter les symptômes, mais d’apprendre à gérer ses ressorts intérieurs.

Les psychotropes font aujourd’hui l’objet d’un jugement moral assez généralisé : outre que c’est “mauvais pour la santé”, c’est “tricher” avec soi. Leurs effets étant de soigner et non de guérir, leur prise est vécue comme le recouvrement de ses problèmes, comme la dissimulation de la poussière sous le tapis. Cela va à l’encontre des valeurs sociales actuelles qui prônent l’authenticité. On ne peut donc pas faire comme si de rien n’était, il faut se confronter à ses problèmes internes. Le sujet n’a pas d’autre choix que de “travailler sur lui”, de manifester sa volonté d’individu de « s’en sortir”. Pourtant, tout le monde n’a pas le temps, la conviction, l’appétence ou même le moteur interne pour se consacrer à ces pratiques.

Explorer sa psyché pour en finir avec la charge de l'existence

Alors, à côté des approches plus institutionnelles, se développent des alternatives plus douteuses, proposées des thérapeutes en tout genre (en France, seul le terme “psychothérapeute” est protégé). Le déploiement de ces approches est facilité par le phénomène de désertification médicale. À titre anecdotique, c’est ce qu’avait voulu dénoncer l’équipe municipale de La Roche-Derrien (Côtes-d’Armor) en affichant le recrutement d’un druide guérisseurPour réfléchir davantage sur ce sujet, lire l’article du Figaro Santé.

C’est sans doute pour se tenir à l’écart de ce terrain hautement mouvant, que des institutions françaises de formation de professeurs de yoga rejettent l’idée que le yoga puisse être une “thérapie”.
Pourtant, bien loin de leur but originel, les techniques orientales se développent de plus en plus comme des thérapies, au sens de la psychanalyse telle que conçue par Freud, qui visait à apprendre à affronter son conflit interne et à mettre en place des mécanismes qui conduisaient, non pas à vivre heureux, mais à comprendre qu’il était possible de vivre pleinement avec son malheur. Les médecins prescrivent donc de pratiquer yoga et méditation car elles apportent une méthode structurante avec l’objectif que leurs patients apprennent à gérer leur psyché interne.

Agir sur l’anxiété et l’angoisse : yoga et méditation

yoga et méditation pour agir sur l'anxiété et l'angoisse

Le climat est aux doutes diagnostiques, aux coûts sociaux des traitements chimiques, et finalement à une méfiance croissante d’une partie de la population vis-à-vis des traitements médicamenteux. Yoga et méditation, relaxation profonde ont des effets sur l’anxiété et l’angoisse ? Les médecins sont donc de plus en plus nombreux à prescrire ces pratiques . En effet, les études se multiplient pour montrer l’efficacité de ce type de pratiques. Et puis, “si ça ne peut pas faire de bien, ça ne peut pas faire de mal”…

Pour une première approche de la respiration, lire mes articles :
La maîtrise de soi commence avec la maîtrise de la respiration
La bienveillance envers soi par la respiration

Décortiquées par de brillants psychiatres, les approches spirituelles orientales ont été épurées de leurs aspects mystiques pour se voire cantonnées à des techniques d’apprivoisement, voire de transformation de soi : c’est ce que proposent notamment les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) de 3e génération.

En France, peu de personnes ignorent les approches du psychiatre Christophe André (hôpital Sainte-Anne de Paris) qui promeut la méditation de pleine conscience. Le neurologue Frédéric Rosenfeld, (clinique Meyzieu de Lyon) utilise la Thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (dite MBCT pour Mindfulness Based Cognitive Therapy) afin de traiter les rechutes dépressives. Le rhumatologue Jean-Gérard Bloch (hôpital Hautepierre de Strasbourg) propose à ses patients, mais aussi collègues soignants, la technique de réduction du stress basée sur la pleine conscience (dite MBSR pour Mindfulness-Based Stress Reduction). C dernier a même créé en 2012 le diplôme universitaire Méditation et neurosciences, diplôme qui construit des ponts mais n’est toutefois pas jugé suffisant pour devenir instructeur d’un programme type MBSR ou MBCT.

Lire aussi mon article sur le lâcher-prise.

Yoga et méditation intégrés à la médecine conventionnelle ?

Contrairement à ce que beaucoup pensent, la situation médicale se caractérise de moins en moins par l’opposition entre médecine conventionnelle et médecine complémentaire. La “médecine intégrative” se met en effet progressivement en place. Le terme est apparu aux États-Unis dans les années 1990. Il s’agit de conjuguer les deux médecines pour développer une approche focalisée sur le patient.

D’un côté il y a la médecine dit “conventionnelle” ou “occidentale” qui soigne par la médication, la thérapie ou la chirurgie, à partir d’un corpus de connaissances scientifiques validées et vérifiables.
soigner une personne en la prenant en compte dans sa globalitéDe l’autre il y a la médecine dite “complémentaire” ou “non conventionnelle”, définie par l’OSM comme “la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en bonne santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales.”

Si la médecine intégrative vise à combiner les deux médecines, elle ne s’intéresse qu’aux effets scientifiquement vérifiés de la seconde : son but est d’aboutir à la qualité, la sécurité et l’efficacité des traitements proposés.

Prendre en compte la singularité

La médecine intégrative valorise la relation patient-médecin, où ce dernier a un rôle d’autant plus important qu’il est conduit à mieux cerner son propre état de santé et la connaissance de soi afin de mieux guider ses patients.

L’écoute devient charnière car le médecin doit récolter le maximum d’informations sur le patient et synthétiser la multitude de variables qui constituent une personne (alimentation, activité physique, stress, sommeil, climat de travail, etc.). L’approche est entièrement personnalisée : chaque patient étant différent, un même problème sera traité différemment. Cela nécessite la mise en place d’équipes interdisciplinaires, de repenser l’organisation globale du parcours de santé. Bref, il y a du travail de maturation des pratiques. Le Canada évalue l’intérêt d’intégrer cette approche dans la politique publique de santé.

Apprivoiser sa nature humaine

Comment parler de l’anxiété sans évoquer l’angoisse, concept-clé de la pensée existentialiste ? En effet Søren Kierkegaard a analysé l’angoisse ressentie par l’être humain qui prend conscience de sa situation dans le monde. Loin des perspectives des approches orientales, Kierkegaard conclut que l’homme n’aura jamais accès à la vérité absolue, à la transcendance pure. Il en est donc réduit à se mouvoir dans le doute permanent de la validité de ses choix, ce qui génère de l’angoisse. La réponse du philosophe pour apaiser ce sentiment est la foi. Le yoga n’est peut-être pas complètement étranger dans ce type d’orientation.

Les travaux du sociologue Alain Ehrenberg montrent que la liberté et les normes d’autonomie actuelles sont telles qu’elles génèrent de la dépression (et l’anxiété peut être une porte d’entrée vers la dépression, nous l’avons vu, c’est une crainte présente chez les médecins).
Certains discours en lien avec le yoga, dans des approches vulgarisées que d’aucuns jugeront « ésotériques », peuvent affirmer que le Cosmos pourvoit à nos besoins dès l’instant que l’on s’ouvre à l’action et aux opportunités (ce qui sonne d’ailleurs davantage comme un remake de “Aide-toi et le ciel t’aidera” que comme un héritage propre à l’Inde ancienne). Comment ne pas y entendre une formule magique, à même d’alléger la responsabilité de l’individu, de le soulager de son anxiété, voire de son angoisse, par l’idée qu’une entité supérieure bienveillante l’accompagne au quotidien. Est-ce une alternative raisonnable aux psychotropes ?

La liberté au bout du chemin ?

Se libérer des contraintes culturelles

Ceux qui en ont la possibilité ont tout à gagner à travailler leur intériorité et à se confronter, voire affronter l’angoisse existentielle qu’il est normal d’éprouver, quelle que soit la méthode : de toute façon, tout dans notre époque nous y porte, nous y pousse.
Apprivoiser ses mécanismes internes, se mettre à distance de soi et de la culture dans laquelle on évolue, pour articuler rouages externes et rouages internes, mais surtout comprendre et assumer ce qui fait notre différence et notre unicité : la liberté est peut-être bien au bout du chemin ?