En quoi le yoga peut-il aider à gérer ses émotions ?

Le yoga est-il une pratique qui peut aider à gérer ses émotions ? Cet article est la suite d’une réflexion sur la possibilité de s’appuyer sur la pratique du yoga pour mieux gérer ses émotions. Dans le précédent, j’ai parlé du yoga de la dévotion, le Bhakti yoga, pratique traditionnelle qui vise à canaliser les émotions. Toutefois, les personnes à dominante émotionnelle qui s’adressent à moi pour mieux équilibrer leur vie, pour ne plus s’épuiser à vivre leurs émotions, ne sont pas intéressées par les pratiques religieuses.


Dans nos pays occidentaux, les personnes aspirent moins à fusionner avec une divinité -contrairement à l’Inde (et d’autres pays) où les pratiques dévotionnelles sont encore très présentes- qu’à simplement trouver des voies pour moins subir le monde qui les entoure et éviter de perdre pied. Dans cet article, j’envisage de dépouiller la voie du Bhakti yoga de ses dimensions religieuses pour ne retenir que les volets qui peuvent servir des aspirations laïques occidentales.


Quand on est débordé par ses émotions

Les personnes à dominante émotionnelle savent explorer une émotion dans toute sa profondeur. Elles aiment appréhender leur complexité et en savourer toutes les nuances. Cette activité les conduit à se sentir pleinement en vie : ça bat fort dans la poitrine et cette forme d’énergie rayonne dans tout leur corps…


Mais de la même façon que des mentaux sont débordés par un excès de pensées, ou que les corporels s’épuisent dans des quantités de choses à faire, les émotionnels peuvent ne plus savoir canaliser cette vie intérieure que constituent leurs émotions. Ces personnes se retrouvent submergées et peuvent finir véritablement vidées, incapables d’agir, comme K.O.


Se tourner vers les approches spirituelles développées en Asie n’est pas insensé. Elles se basent en effet sur une vraie compréhension du fonctionnement humain dans toutes ses dimensions. Pratiquées avec conviction, elles se révèlent efficaces. Mais elles sont aussi extrêmement puissantes, compte tenu de leur visée spirituelle voire ésotérique (dans le sens premier qui signifie que leur transmission ne se fait qu’entre adeptes qualifiés), et conduisent à expérimenter des états de conscience modifiée.


Or, il faut de la rigueur et un solide encadrement pour mener ce type d’expérience. Comme toutes les autres voies, celle du Bhakti yoga, basée sur l’orientation de l’amour vers une divinité, n’est pas destiné à tout le monde. Or, les motivations ne sont pas toujours à la hauteur de la pratique, d’où des désillusions, voire des errances qui peuvent se révéler dangereuses et conduire à diverses dérives : emprise, manipulation, abus de faiblesse, abus sexuel…


L’enseignant spirituel Arnaud Desjardins a d’ailleurs témoigné dans son ouvrage La Voie et ses pièges que la plupart des personnes ne veulent fondamentalement qu’aller mieux dans leur vie et non pas fusionner avec le Tout. Il leur faut donc une pratique qui les maintienne dans l’Ici-et-Maintenant de ce monde. Et des voies plus terre-à-terre sont possibles. Certains jugeront bien sûr qu’il s’agit là de pratiques “affadies”, vidées de leur substance. Pourtant, elles offrent de vraies solutions aux personnes dépassées par leur propre nature. Elles n’en nécessitent pas moins de faire des efforts.


Clarifier la logique à laquelle on a affaire

Parmi ces effort, le premier est d’opérer des choix. On ne peut pas tout avoir : dire qu’il est possible de vivre pleinement ses émotions positives, en évacuant seulement les émotions négatives est un mensonge. Une voie de transformation commence par des renoncements. Peut-être qu’à ce stade de l’article, certains d’entre vous se disent qu’il est hors de question de renoncer à ce qui les fait se sentir en vie. C’est tout à fait compréhensible. Mais considérez bien ce que signifie la transformation : c’est la chenille qui devient papillon. C’est-à-dire qu’il y a bien peu en commun entre les deux stades de développement de l’animal.


Il ne faut pas non plus mal interpréter la notion de “bonheur”. Elle résonne différemment selon la nature de chacun. Mais en général, il rime avec l’épanouissement : on imagine une remplie d’idées créatives et positives, d’émotions abondantes et généreuses, ou d’actions nourrissantes et impactantes … Pourtant, il n’y a rien de tout cela. Le bonheur est un état à part entière, qui plus est élevé, et pas forcément accessible à tous, qui n’a en tout cas rien à voir avec ce que les personnes qui le cherchent peuvent avoir vécu jusque-là.


Prenons l’exemple du bouddhisme. Le premier constat sur lequel se fonde cette approche est que tout est impermanence : l’existence est cyclique et emportée dans une espèce d’éternel renouvellement. En Asie, le rapport au monde est d’ailleurs globalement plus dynamique qu’en Occident car les croyances font la part belle à des divinités destructrices, le mécanisme de “tabula rasa” (table rase) ayant des vertus régénérantes. En Occident, on s’arque-boute beaucoup plus sur l’existant, réalisant mille contorsions pour que rien ne change, ce qui est en soi épuisant.


Or, dans le mouvement, la vie peut s’équilibrer. C’est parce qu’il y a des morts qu’il peut y avoir des nouveaux-nés. De la même manière, lorsque des phénomènes extrêmes se produisent, des phénomènes tout aussi extrêmes dans l’autre sens sont à attendre.


Le bonheur se fonde alors sur la capacité à cultiver un état qui nous rend réceptif aux expériences de la vie, mais sans pour autant se faire balloter d’un extrême à l’autre. Le bonheur est un état qui nous permet de les accueillir avec souplesse, comme le roseau, dans la fable Le chêne et le roseau de Jean de La Fontaine.


La gestion des émotions nécessite de faire un choix

Notre époque nous fait volontiers croire que tout le monde peut accéder à n’importe quel objectif. Les discours, y compris dans le développement personnel, gomment volontiers les différences, les particularités, les histoires personnelles, les contingences extérieure, etc. Il suffirait de suivre une recette pour atteindre ses objectifs !


Au bout du compte, celui qui n’y parvient pas malgré ses efforts -parce que son objectif n’était pas clair u adapté, ou que les événements ne sont pas organisés favorablement- va éprouver l’échec négativement, conduisant à des questionnements inutiles, alimentés par un qu-est-ce-qui-cloche-chez-moi ou suis-je-un-ou-une-incapable. La comparaison avec la réussite des autres (qui ne montrent que ce qu’ils veulent) y contribue également.


Ce sont finalement des schémas de pensée dont il faut se débarrasser. Mais cela ne se fait pas en claquant des doigts. C’est un cheminement dont la durée varie en fonction de la force des motivations, des aspirations éventuelles et des capacités de chacun.


En ce qui concerne les personnes émotionnelles fatiguées par leur nature, elles doivent d’abord changer le rapport qu’elles ont développé à leurs émotions. C’est loin d’être évident : comment des personnes émotionnelles pourraient accepter d’atténuer ce qu’elles considèrent comme le carburant de leur vie ? Beaucoup préfèreraient faire un tri qui les amène à conserver leurs émotions positives, tout en supprimant exclusivement les émotions négatives. Il faut donc bien commencer par faire un choix : continuer à vivre de manière intense toutes leurs émotions, jusqu’à s’épuiser, ou travailler à en réduire l’amplitude.


Ce simple choix ouvre la porte de la souplesse, la possibilité de cheminer vers l’observation de soi et de ses émotions, et d’augmenter son pouvoir de discrimination (au sens philosophique, cela signifie que l’on est capable de distinguer les choses les unes des autres avec précision). Il ne faut pas oublier que dans toutes les traditions spirituelles, les passions sont considérées comme des obstacles au bonheur.


Comment mettre ses émotions à distance

Bien employées, ces émotions constituent une vraie forme d’énergie en soi, au sens de ce qui porte à l’activité et nourrit la vie. L’élan du sentiment, le cri de l’âme sont des expressions qui parlent beaucoup à des personnes émotionnelles. Lorsqu’elles stagnent, ces émotions détruisent. Voilà pourquoi de nombreux émotionnels se tournent vers une pratique artistique, que ce soit à un niveau professionnel ou à un niveau amateur.


La création artistique est l’activité par essence qui permet de donner corps aux émotions à l’extérieur de soi. Les émotions n’appartiennent plus alors à la personne qui les ressent. Elles se sont transformées en quelque chose d’autre qu’une boule au ventre (un ulcère ou pire) ou une sensation d’oppression au niveau de la cage thoracique. Elles deviennent des mots, des formes et des couleurs, de la musique, etc., déployés en dehors de soi, donnés à considérer par d’autres personnes qui vivent alors leur violence, leur beauté…


Tous les émotionnels n’ont bien sûr pas vocation à vivre de leurs créations artistiques, mais ce sont des pratiques qu’elles apprécient d’intégrer à leur quotidien parce que ça leur fait beaucoup de bien. La pratique du yoga peut aussi être une voie efficace pour engager la transformation des émotions en puissance créatrice. Mais il n’y a pas de recette toute prête : il ne s’agit pas de pratiquer telle ou telle posture. C’est plutôt du cas par cas, les exercices étant définis selon la personnalité appréhendée de manière globale. En tout cas, le travail sur la respiration y occupe une place importante.


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