La salutation à la lune est (chandra namaskar), avec la salutation au soleil (surya namaskar, lire l’article correpondant), un des rares enchaînements de postures pratiqué en hatha yoga.
Les liens vers les vidéos de pratique posturale sont à la fin de l’article.
Tout dépend de vos énergies, de votre nature et de votre rapport au monde, mais aussi de l’environnement et du temps qu’il fait. En effet, vous faites peut-être partie de ces personnes qui ressentent fortement les baisses de pression atmosphérique. Nous ne vivons pas couper du monde et les attentes contemporaines vont dans le sens d’une union avec l’environnement. Cela signifie donc suivre les fluctuations de notre corps au rythme de l’écosystème dans lequel il s’insère.
La pratique de la salutation à la lune peut donc se faire le soir avant le coucher mais aussi le matin, au même titre que la salutation au soleil, ou encore tout au long de la journée. Selon les phases de son cycle, la lune apparaît bien le jour et disparaît complètement lors des nuits de nouvelle lune !
La salutation à la lune, que ce soit dans sa version debout ou dans sa version à genoux, travaille sur l’ouverture du bassin.
Le bassin symbolise nos fondamentaux et contient nos énergies de survie. Parmi elles, la créativité en fait partie. Elle est symboliquement associée à une énergie féminine dans une approche du monde qui divise le monde en deux parties contraires mais complémentaires. Il va de soi que la puissance créatrice est capable d’être mobilisée tant par les hommes que par les femmes. Et comme dans cette approche, toute chose contient aussi son opposé, la créativité est associée à la force de destruction : les équilibres se construisent dans le jeu des forces opposées. La créativité ne se déploie-t-elle pas souvent sans ancrage dans le passé ou l’existant ?
La salutation à la lune dans sa version sur les genoux est un peu moins « athlétique » que la version debout, car elle ne mobilise pas les muscles des cuisses de la même façon. Mais, elle mobilise énormément les rotules et les personnes qui présentent une gêne ou une blessure au niveau d’un ou des deux genoux doivent s’abstenir de la pratiquer.
Pour la version de la salutation sur les genoux, la position de départ, un genou en appui au sol et l’autre jambe pliée à l’avant, en appui sur le pied, évoque celle des représentations médiévales occidentales dans laquelle un homme rend hommage à un autre. Elle est indéniablement emprunte d’humilité.
L’ancrage dans le sol est plus large du fait d’une immobilité plus grande des appuis que dans la version debout qui appelle davantage de mouvement. Mais à partir de ces appuis, le corps est mobile, ne cessant d’avancer et de reculer par rapport à un point de référence imaginaire qui serait face à nous, le plaçant à une distance suffisante pour qu’il soit inatteignable. Toute la posture peut alors se développer comme des mouvements tantôt de rapprochement, tantôt d’éloignement par rapport à une version de nous-mêmes, plus complète et plus aboutie. La saisie des orteils avec une main est un passage d’équilibre à investir pleinement pour mesurer davantage notre travail pour trouver dans nos vies quotidiennes l’équilibre dans le mouvement.
Pour la version debout, elle étire le corps dans toutes les directions, comme une inscription pleine et entière de notre personne dans l’espace : cette salutation amène à considérer plus fortement notre place finalement fort restreinte dans l’univers.
Le yoga est étroitement en relation avec le système dualiste du Samkhya dans lequel la nature (prakṛti) s’oppose à l’esprit (puruṣa). La première s’unit avec le second pour donner naissance au monde en tant que phénomène. Dans ce système, la perception que nous avons de notre “je” est illusoire et la pratique concourt à nous en débarrasser pour trouver l’union avec l’esprit.
La recherche des pratiquants de yoga contemporains n’est pas de cet ordre : il ne s’agit en aucun cas de se débarrasser de son ego pour se dissoudre dans l’infini parfait de l’univers. La recherche générale est plutôt celle d’un bonheur, souvent entendu comme la suppression des douleurs du corps et de l’âme, de l’anxiété et de la tristesse, pour ne connaître qu’une joie continue sans trouble.
Nous ne discuterons pas ici sur la crédibilité d’une telle aspiration. Retenons seulement ce que vers quoi semblent converger actuellement les théories du développement personnel : vers l’idée que “ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses mais les opinions qu’ils en ont” (Manuel d’Épictète). Il s’agit de ne pas se laisser atteindre par ce qui ne dépend pas de nous et de parvenir à se concentrer sur ce qui est en notre pouvoir seulement.
Je profite de cet article pour mettre fin au mythe selon lequel le “ha” signifierait “soleil” et “tha” signifierait “lune” et donc comme quoi le hatha yoga serait l’union du soleil et de la lune.
Le terme de hatha yoga apparaît avec le texte Haṭha Yoga Pradīpikā. Dans ce contexte :
– “yoga” signifie “méthode”,
– “hatha”, “force”, “vigueur”, “violence”
– “pradipika”, “éclaircissement”.
Dans ce texte daté du 15e siècle sont abordés :
Il s’agit d’établir l’équilibre de l’énergie vitale entre d’un côté Ida, associée à une énergie lunaire, et Pingala, associée à une énergie solaire. D’où le raccourci.
Aujourd’hui, si le yoga contemporain met en avant le travail de résolution des oppositions, c’est en laissant de côté la violence (hatha) du processus car les buts recherchés se limitent au bien-être. Il faut avoir conscience que la pratique contemporaine du yoga est vidée de sa vocation spirituelle initiale et n’a que peu de choses à voir avec la voie déclarée abrupte et dangereuse par ceux qui l’ont réellement suivie, qui était réservée à une élite de personnes prêts à brûler les étapes pour atteindre la réalisation de soi.
Cette réalisation de soi n’a rien à voir avec ce que cette expression peut signifier aujourd’hui de satisfaction psychologique et individuelle. Les techniques proposées au 15e siècle visent le vide de pensées et surtout le vide d’ego afin de parvenir à un état modifié de conscience qui permette la communion avec le divin.
Ces imprécisions n’enlèvent bien sûr rien à tout ce que le yoga peut apporter aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui en terme d’harmonie intérieure. Mais il me semble qu’on a toujours à gagner à voir les choses clairement et non à travers le prisme de mythes qui finissent par se diluer dans les croyances individuelles.
Le bouddhisme a toujours lutté contre les illusions et les filtres qui nous mettent à distance de la réalité du monde. C’est bien ce que propose d’atteindre la méditation Vipassana selon l’approche de Sayagyi U Ba Khin.
Je suis Laetitia, prof de yoga & coach ennéagramme. Jour après jour, je développe une pratique qui nourrit le lien corps-esprit.