Comment percevons-nous la réalité du monde qui nous entoure ?

Cela semble tellement évident que nous ne ressentons pas le besoin de nous poser la question : pourquoi est-ce que quelque chose qui nous est extérieur agit sur notre intériorité ? Quelle est la nature de ce lien ? Comment se crée-t-il ? Dans le titre de l’article, nous utilisons le mot réalité pour évoquer le monde matériel, cette extériorité qui stimule nos sens et qui existe en tant que telle, en dehors de notre esprit. Se poser cette question, de notre relation au monde, permet d’apporter des éléments de réponse pour engager un travail d’introspection.


La réalité de nos sensations

Le monde extérieur se manifeste à nous, en impactant nos 5 sens, et cela crée des sensations. Dans un environnement particulièrement riche, comme la rue d’une grande ville par exemple, les manifestations peuvent être si nombreuses que nous ne pouvons avoir conscience de toutes. Le cerveau se préserve de la saturation et opère un tri, selon nos priorités de l’instant : dans une voiture, nous ne nous laisserons pas impacter de la même façon par l’environnement selon que nous sommes conducteur ou passager, ou même si, en tant que passager, nous faisons confiance ou non au conducteur.


Un modèle opérationnel

Pour détailler ce qui se passe après la perception, nous nous intéressons aux modèles décrits par l’ergonomie cognitive. Cette discipline cherche à comprendre les processus mentaux de l’homme, ses caractéristiques cognitives et la façon dont il traite l’information. Elle s’intéresse donc à la perception, mais aussi à la mémoire et à la façon de raisonner. Grâce à son corpus de connaissances et à ses observations, l’ergonomie cognitive a pour but de concevoir ou de transformer des situations de travail pour en faire des cadres épanouissants et contribuant au développement de la personne.


De la sensation à la perception

Lorsque les sensations parviennent à la conscience, elles subissent rapidement un traitement. L’ergonomie cognitive part du principe que notre cerveau interprète constamment, et cela en puisant dans nos schémas de compréhension du monde, dans notre univers personnel.


Le processus interprétatif : on s'éloigne de la réalité

Ainsi, la connaissance du monde n’est jamais la copie du réel. Nos connaissances sont des représentations. C’est-à-dire qu’il s’agit de constructions singulières, dans le sens où elles sont uniques et personnelles, mais aussi contextualisées. Au quotidien, le sujet perçoit de façon active en permanence et crée donc constamment du sens. Dès l’enfance, le sujet qui apprend entreprend un processus itératif entre lui-même et son environnement pour se construire. Ainsi, lorsqu’une information lui parvient, il va tenter de l’insérer dans ses schémas existants. Si toutefois cela se révèle impossible, il modifiera les schémas pour s’accommoder. Et c’est ce terreau interprétatif qui va servir à prendre des décisions et à agir.


Il arrive que nos connaissances ne parviennent pas à prendre le dessus sur les interprétations erronées du cerveau. C’est tout le domaine des illusions d’optique. Nous avons beau connaître le dispositif, la perception reste inchangée et l’illusion demeure. Dans ces cas, il est très difficile d’orienter la façon de fonctionner du cerveau.


L’ergonomie cognitive s’appuie sur de nombreux travaux de psychologie et études du cerveau. Aujourd’hui, l’un des scientifiques qui vulgarise le plus ce sujet est Lionel Naccache. Tout au long de ses ouvrages, il ne cesse de rappeler que le je est une fiction alimentée par l’expérience de la connaissance.
En Occident, c’est au 18e siècle que la distinction est clairement faite entre la sensation et la perception. Kant a notamment mis en évidence le fait que nous ne percevons la réalité qu’à travers nos filtres.


L'Inde ancienne et la métaphore du char

L’Inde ancienne décrivait déjà un modèle fin et analytique de la façon dont l’être humain perçoit le monde. Ainsi, la Katha Upanishad — qui serait le texte parvenu jusqu’à nous dans lequel le mot yoga apparaîtrait pour la première fois — utilise la métaphore du char pour décrire notre fonctionnement (III, 3-4) : « Apprends que l’âme (jivatman) est le passager du char, le corps est le char, la conscience (buddhi) est le cocher, et la pensée (manas), ce sont les rênes, les sens (indriya) sont les chevaux, et les objets des sens, la nourriture qu’ils broutent. »


Les objets des sens, ce sont toutes ces stimulations que l’environnement fabrique en permanence. Nos sens sont comparés à des chevaux qui broutent la nourriture : l’image met en évidence notre attrait pour ces stimulations et la dispersion qu’elles engendrent, nous empêchant de conserver la direction initiale. En effet, pour le yoga, l’une des difficultés majeures de notre existence à surmonter est notre propension à la dispersion.


De ce point de vue, il devient donc nécessaire de maîtriser nos sens. La métaphore indienne distingue celui qui tient les rênes, des rênes elles-mêmes, la partie de nous-même qui conçoit (traduit ici par conscience) de celle qui met en œuvre (traduit ici par mental) et transmet les informations au corps pour la réalisation concrète de l’action.


Notre rapport au monde : une simulation continue

Ce que nous offre le monde et ses incessantes stimulations, c’est comme un spectacle où les numéros se suivent en continu, sans laisser le spectateur — nous-même — souffler. Le spectateur, tout absorbé par la contemplation du spectacle, s’oublie, se perd. Or, « quand un homme ne connaît pas sa véritable nature, il s’ajuste, il s’identifie aux enveloppes extérieures et sa forme est celle des enveloppes. Il se laisse diriger de l’extérieur. Les objets, pourrait-on dire, le définissent par le désir de prendre et d’avoir ce qui le lie à eux » (source Patanjali, Les Yogasutra, trad. et ann. par Degrâces A., éd. Fayard, 2004, p. 85).


L'essentiel à retenir

Cette citation introduit le concept de « véritable nature » sur lequel il faudra bien sûr revenir dans un article ultérieur. Mais pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, retenons la nécessité d’intégrer l’absence de vérité. Si nous prenons de la distance par rapport à nos perceptions, nous pouvons progresser dans la compréhension de nous-même et du monde, nous gagnons en humilité, en indulgence dans nos rapports aux autres. La transformation peut commencer.



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